jeudi 22 janvier 2009

Ce que j'ai vu - Assurdità parossistica

Chers amis lecteurs, depuis plus d'une semaine je meurs d'envie de vous écrire!! de vous raconter "les examens", je connaissais la "théorique" "organisation", maintenant je connais la pratique. Le vécu. Le foutoir. Je pensais attendre la fin les épreuves avant de pondre un message, premièrement pour avoir plus de temps, car mine de rien je révise, et deuxièmement pour faire un résumé de toutes les "histoires d'examen" qui me sont arrivées ou qu'ont subies mes amis.
Mais je ne peux plus attendre, et peut-être même qu’un message ne suffira pas à tout dévoiler.
Je ris déjà à l'idée de ce que je suis sur le point d'écrire. Pour ne pas avoir à en pleurer, bien entendu.
Procédons méthodiquement...[la "méthode" mon dieu, un mot que je n'ai pas entendu depuis 6 mois!!! J’ai même envie de faire un petit plan en 3 parties, d’organiser mes idées quoi, d’appliquer ce que l’école de la République française m’a enseigné.]

Préambule: Notre pacte

Je vous promets de vous dire la vérité, et rien que la vérité, et de ne même pas forcer le trait –car j’avoue, parfois je le fais, mais c’est parce que je deviens plus méditerranéenne. En contrepartie, je vous demande de me croire. Par contre, je crains de ne pas savoir retranscrire par des mots les sensations éprouvées face aux situations absurdes que j'ai vécues ces derniers jours.

Introduction :


[accroche]En proie à la consternation, l’anthropologue, mue par le besoin de communiquer avec ses semblables, de partager ses découvertes, se propose d’exposer quelques unes de ses dernières observations sur l’Université italienne.

[mise en contexte]Le travail sur le terrain a fait apparaître tant dans le fond que dans la forme des études universitaires romaines des éléments pour le moins surprenants, peut-être significatifs d’un état d’esprit général, d’une mentalité particulière à l’Italie et/ou à Rome. Sans avoir la prétention de les expliquer, ces quelques lignes n’ont pour but que de consigner des faits, des constats, de façon objective. Éloignons dès à présent l’idée odieuse d’une théorie de la supériorité intellectuelle française. Ces constats surprennent en réalité tout le monde -au sens littéral- sauf les Italiens qui sont habitués.

[problématique]Tout est déjà bien trop problématique, je ne vous ferai pas l’affront d’en ajouter une.

[annonce du plan]Dans un premier temps nous expliquerons ce que les professeurs attendent des étudiants, le travail en amont, les révisions, le matériel d’études, l’accès à l’information etc. Puis nous évoquerons le déroulement des épreuves en elles-mêmes, et terminerons par le plus drôle, le feu d’artifice, le bouquet final, c’est-à-dire l’organisation du tout, on y retourne toujours… (si vous voulez juste rire beaucoup, allez directement au III). Une sélection d’anecdotes –du pur vécu- illustrera le discours.


I – Les attentes

Premièrement, je trouve que l’on demande peu à l’étudiant italien. Et même si on lui demandait beaucoup, il ne pourrait de toutes façons pas, ou difficilement, répondre aux exigences des professeurs, étant donné à quel point il s’avère compliqué d’avoir accès à l’information, d’emprunter un livre par exemple. Pour le cours de photographie que j’ai suivi, il suffit de lire un livre –écrit par le prof qui reprend à la virgule près le cours- d’une centaine de pages au format poche. Les étudiants italiens doivent en lire un seul autre, au choix parmi une liste de 6 (pour les erasmus, même pas besoin de faire ça). Puis il faut étudier une dizaine de photos, discutées en cours avec des intervenants extérieurs, dont toutes les interventions ont été mises en ligne sur internet, avec moult documents complémentaires. Tout le travail a donc été préalablement mâché par le professeur qui nous a dit – et c’est ça qui m’a le plus surpris- « je sais qu’on vous demande beaucoup» ! Le même prof nous permet de passer l’examen à n’importe quel appel de cette session ou des suivantes, mais aussi à n’importe quel moment de l’année pour peu qu’on le lui demande ! Ensuite, dans ma fac il n’y a pas de TD ou TP (travaux dirigés ou pratiques, c’est-à-dire des cours en petit groupe), à aucun moment les étudiants ne font des exposés par exemple, et très rarement des recherches personnelles. Pas de cours de méthodologie, pas d’applications… Mais dans le fond, heureusement qu’ils ne doivent pas trop faire de recherches car les bibliothèques universitaires ne sont vraiment pas terribles. Ainsi, le manuel du cours d’art contemporain –suivi par énormément d’étudiants – le seul livre sur lequel il fallait travailler (littéralement) n’était dans aucune des bibli de la fac. Et 2 fois sur les 3 où j’ai essayé d’aller bosser à la biblio elle a fermé 2 et 3 heures plus tôt que prévu, sans préavis. Pour accéder au catalogue –quand les ordinateurs fonctionnent- il faut entrer un code d’une vingtaine de chiffres, lettres et signes en tout genre qu’on nous a fourni au début de l’année (le mien c’est AR3IDWVOH-X5DL, bon ok y a que 14 caractères). Tout est fait pour te décourager.
Et alors, je veux pas être parano, mais j’ai lu quelques articles écrits par des historiens italiens –lus en français et/ou italien- et à chaque fois j’ai trouvé que c’était mal construit. Une suite d’idées sans queue ni tête… propos général difficile à saisir. Bon passons, c’était peut-être le hasard…

II – L’épreuve

Maintenant, les oraux à proprement parler (blague involontaire). Car ici, les examens sont presque tout le temps des oraux. Ils sont sans préparation, c’est-à-dire qu’il faut répondre de but en blanc [c’est la 1ere fois que j’écris cette expression, c’est comme ça ? ça vient d’où?] au professeur. Comme l’organisation des idées c’est pas trop important par ici apparemment, ça passe tranquillement même si la réponse est franchement déconstruite (comme les miennes par exemple car j'étais émue). Mais bon, c’est un peu pénible pour les non-italophones car il faut réfléchir à la réponse, chercher les mots italiens et parler en même temps. Je n’ai passé qu’un seul exam jusqu’à présent et c’était étrange, on aurait dit une conversation entre amies. La prof me posait des questions, puis elle rebondissait sur ce que je disais « ah oui c’est intéressant, car après Canova a fait ..blablabla » elle disait plein de trucs que j’aurais pu dire moi, je ne comprenais pas pourquoi elle ne me laissait pas parler, je savais qu’elle savait, mais elle ne pouvait pas savoir que je savais ! A la fin j’ai eu 28/30 donc ça allait. Ça doit vous paraître fou comme note, mais ça ne l’est pas tant que ça en fait. Ici avoir 30/30 est tout à fait possible et facile. Je pense qu’en fait un 30/30 correspondrait à un 14 ou 15 chez nous, mais on peut tout à fait le décrocher en s’étant contenter de lire LE manuel indiqué par le professeur et basta ! J'ai une amie qui craignait un peu d'avoir une mauvaise note car elle n’avait répondu que à 2 des 3 questions à un écrit. Elle a donc été très étonnée de voir qu'elle avait reçu 31/30! Ne comprenant pas son résultat elle est allé demander des explications à l’enseignant qui lui a dit que ce n’était pas la quantité mais la qualité qui primait, et que « Michel-Ange, quand il a choisi ses élèves, il ne les a pas sélectionnés en fonction de la réponse à la troisième question ». Sans parler de tous les étudiants qui vont à l’épreuve sans être allé en cours et sans avoir rien lu, et qui décrochent malgré tout le 18 qui permet de valider l’épreuve. Et de toutes façons, certains profs mettent automatiquement 30 aux erasmus… (vous imaginez une moyenne de 20/20!!).

III - Le rigolo

Bon, amusons-nous maintenant.
Avant de passer mes examens, j’avais entendu plein d’histoire d’erasmus qui disaient avoir attendu 8 heures dans le couloir avant de pouvoir enfin, passer l’oral. On imagine bien l’état nerveux de quelqu'un qui a attendu aussi longtemps, surtout pour passer un examen… sans parler de ceux qui ont dû revenir plusieurs jours à la suite… Quand on a raconté à une étudiante italienne que dans nos pays lorsqu’on avait un oral, on était convoqués à une heure précise elle s’est exclamée « ah mais c’est génial, comme ça vous ne perdez pas toute la journée !! ». Et oui !
J’ai eu de la chance relativement : lundi mon appel était à 10h du matin. On était environ 50 étudiants, la prof a donc fait un planning et j’ai appris que je passais finalement le lendemain à midi. J’ai perdu une matinée donc, mais pas toute une journée à attendre sans connaître mon destin.
PAR CONTRE CE MATIN, c’était réellement absurde. J’aurais tellement aimé avoir une caméra… Appel à 11H. J’y étais un peu avant car avais appris que la professeure ferait passer les gens dans l’ordre d’arrivée et non pas dans l’ordre des inscriptions sur internet –le système internet de l’université n’étant pas au point les erasmus et certains étudiants italiens n’ont pas pu s’inscrire par ce biais. On était une quarantaine d’étudiants, de licence, master, ceux qui venaient passer les matières de cette année, de l’an dernier… la foire. La prof arrive avec 20 minutes de retard, rentre dans son bureau, ressort peu après et nous dit qu’on ne peut pas commencer les examens car elle n’a pas les verbali (procès verbaux) soit la feuille qu’on signe à la sortie de l’exam. On attend donc le sous-président de l’Université pour qu’il nous dise ce qu’on doit faire. Celui-ci arrive. Et nous raconte cette histoire : « alors, l’imprimante qui sert à imprimer les verbali s’est cassée hier, et le technicien qui devait venir la reconfigurer ce matin n’est pas venu, alors on ne peut pas faire d’examen aujourd’hui, car sans verbali, les examens sont illégaux [très important la légalité] » HAHAHAHA je les ai vu les verbali mardi, et ce sont des feuilles idiotes, toutes simples A4 en papier normal… c’est pas croyable qu’il n’y ait qu’une imprimante pour toute l’université qui puisse les faire !! et surtout qu’on ne puisse pas trouver un moyen alternatif, comme prendre une feuille quelconque et tamponner la signature. A partir de là, moi j’étais morte de rire. S’ensuivent les protestations des étudiants, pleines de bon sens « mais pourquoi n’avez vous rien mis sur internet ? » « quand saura-t-on quand est-ce qu’il y aura l’examen ? » « je travaille demain ; je prends l’avion ; j’ai un autre examen ».. « comment est-ce possible qu’en période d’examen l’université manque de verbali ??? » etc. L’espèce de vice-président s’énerve, à l’italienne donc avec beaucoup, beaucoup, beaucoup de gestes –un pur moment de théâtre c’était génial- nous dit « maintenant taisez-vous, vous avez assez parlé !! je suis impuissant ("impotente", il l’a dit tellement de fois, c’était l’idée forte !) pour résoudre ce problème. Vous n’avez qu’à attendre jusqu’à 15H car à ce moment-là le technicien sera peut-être arrivé » De nouveau, les étudiants essaient de lui faire toucher du doigt l’absurdité de la situation. Et le faux président –qui dans la bataille a fait tomber tous ses cachetons par terre- hyper énervé contre nous, alors que personne n’était agressif –étonnamment d’ailleurs- nous dit que la seule chose qui puisse faire avancer le schmilblic( ?) est que nous allions, nous étudiants, dans le bureau du président pour dire que ça nous cause des dommages/ennuis ("vi causa danni" un pur langage de politicien, je riais tellement) qu’il n’y ait pas d’imprimante. En gros il fallait qu’on fasse la révolution pour obtenir la réparation d’une cazzo d’imprimante sans laquelle aucun examen de toute l’université de Rome 3 ne pouvait se tenir !!! Mais nous on restait là, car on voulait savoir comment on serait prévenus de la tenue ou non des épreuves. Et là, il a commencé à nous menacer « partez !! partez !! ce qui ne s’en vont pas n’auront pas leurs examens (sic) !! allez au bureau du président !! partez !! ». Des étudiants sont effectivement partis dans le bureau du président, moi j’ai fermement refusé de participer à cet engrenage d’absurdité. C’était FOUUUUUUUU. Finalement je devrais passer l’examen demain matin, mais demain : grève des transports !!
Avec tout ça, je deviens folle !



Conclusion

Ce genre de dysfonctionnement ne dépend ni des pouvoirs publics, ni des autorités politiques, ni d’un manque de moyens financiers et humains. Il est le pur produit d’esprits apragmatiques.

Et je me fais sérieusement du souci pour l’Italie… parce que dans le fond, c’est pas très drôle non ?

2 commentaires:

Camille a dit…

En effet, au fond, c'est déprimant ! et stressant ! comment as-tu survécu ? Tu ne te plaindras plus de l'école du Louvre mtnt, hein !!! enfin bravo !

Pauline a dit…

Ben en fait, j'en rigole car bon, je ne suis pas condamnée à vivre ça toute ma vie. Stressant: pour eux non. Et pour moi non plus! au début si, maintenant j'ai compris!!