vendredi 23 avril 2010

Briques, routes, trous et géomètres-arpenteurs

Je lisais l'histoire de l'urbanisme de Rome depuis 1870* - date à laquelle elle est devenue capitale d'Italie - et certaines lectures de l'année dernière me sont revenues à l'esprit.

Ce livre - presque 300 pages, format poche, écrit tout petit - raconte les dizaines de lois d'urbanisme, de décrets, de plans d'aménagement de la ville qui se sont succédés pendant un siècle. Des tonnes de décisions, des semaines, des mois, des années - pour reprendre Jean-Jacques Goldman - de débat, des foules de personnes consultées pour, dans 99% des cas, ne rien faire, ne jamais ou presque appliquer ce qui avait été pensé, prévu, voté. Quand un plan d'aménagement était adopté, les autorités rédigeaient des "plans détaillés" qui permettaient de passer outre les mesures légales du plan d'aménagement (pour d'autres intérêts que ceux de la communauté évidemment, ça s'appelle "corruption" oui oui).

... d'où le chaos urbain...

Si ça m'a rappelé mes lectures de l'an dernier c'est parce que je m'étais fait la même réflexion en étudiant l'histoire des musées et l'histoire de la restauration en Italie. Une abominable collection de décrets, de lois qui étaient pris les uns après les autres, annulaient les précédents avant même qu'ils n'aient eu le temps d'être mis en place (selon mon souvenir).

Autre lecture, autre découverte. Ce matin comme d'habitude - pour reprendre Claude François - je lisais le journal et j'ai compris un autre mystère romain. Il me semble avoir signalé auparavant dans ces pages que les chaussées et trottoirs par ici n'avaient pas l'air bien solides, étaient cabossés et s'effondraient souvent, notamment après de fortes pluies. Cette photo prise dans ma rue peut en témoigner.

La Repubblica a publié une enquête sur ces malfaçons de l'asphalte italien, mais surtout romain en réalité ("è proprio la Capitale a condensare tutti i peggiori aspetti di questo problema") puisqu'elles causent de nombreux accidents.

Extraits:

"D'habitude, dit Marco R. (un ouvrier goudronneur anonyme ndlr), quand on refait une route, on commence bien les travaux car on doit passer les premiers contrôles. Puis le 'géomètre' ** de l'entreprise nous ordonne "réduis, réduis" et alors l'épaisseur de l'asphalte s'amincit. Comme ça on économise sur les matériaux. Si après il y a d'autres contrôles, j'ai remarqué que les techniciens qui en sont chargés savent souvent d'avance sur quelle portion faire les carottages. "

Mais attention ! Fabrizio E. (autre ouvrier goudronneur, 15 ans de métier) veut rétablir la vérité:
"Ça ne marche pas comme ça partout. J'ai travaillé en Piémont, en Toscane et dans d'autres régions. La situation romaine n'a pas d'égale. A Rome, on commence en respectant les règles, puis, au fur et à mesure: moins d'asphalte, moins de temps, moins de tout."

Plus de trous.

Attention où vous mettez les pieds.


°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°


Notes:

*Italo Insolera, Roma moderna, un secolo di storia urbanistica, 1870- 1970, Torino, Einaudi, 2001, pour ceux que ça intéresse.

** "Géomètre" est une profession assez répandue en Italie, mais je ne sais pas vraiment à quoi cela correspond. Il y en avait plusieurs dans le service des "travaux et bâtiments" là où je travaillais, mais je n'ai jamais compris quels liens ils entretenaient avec la géométrie. Ils étaient surtout arpenteurs je pense, car ils se baladaient beaucoup.

1 commentaire:

Camille a dit…

terrifiant tout ça !!! Tu sais qu'ici, avec le froid délirant et la neige qu'il y a eu cet hiver, les routes sont à peu près dans cet état ? Nids-de-poule partout... On va appeler des géomètres italiens pour remettre tout ça en ordre !